Le grand prix La Scène

« No walk, no work » Hamish Fulton

On a un peu tardé à vous l’annoncer, c’était déjà il y a… presque six mois, mais avec Les Enchevêtré·e·s nous avons eu la chance et la joie de recevoir le grand prix La Scène du « meilleur projet artistique et culturel » pour la saison 2022. À vrai dire, on ne savait pas trop comment vous partager cette bonne nouvelle ni comment remercier toustes celleux qui avaient rendu possible cette aventure. Au point qu’on a même eu envie de se tourner vers nos ménades à nous pour y trouver des idées. Parcours fantasmé des annonces possibles : ChatGPT nous aurait sans doute suggéré une vidéo de l’équipe au grand complet avec des confettis et une rime plate du genre « Maintenant qu’on a gagné le grand prix, on ne sait plus quoi faire de tous ces confettis », Blanche Gardin aurait précisé qu’avec le Covid, on devait sans doute être le seul projet de spectacle vivant maintenu à flot en 2022 et que c’est bien notre veine de gagner le grand prix l’année où il n’a aucune valeur, Elisabeth Borne aurait ajouté que même avec le grand prix ça ne nous empêchera pas de travailler jusqu’à 64 ans pour sauvegarder toutes nos annuités, Rocky nous aurait rappelé que « we are all underdogs » et que « that’s how winning is done », et Jacques Prévert certainement aurait conclu qu’il ne fallait surtout pas oublier d’y ajouter quelques ratons laveurs.

Et nous, pendant ce temps, on aurait continuer à se demander comment vous l’annoncer…

Alors plutôt que d’attendre que la bonne manière nous tombe sur la tête, nous voudrions surtout en profiter ici pour remercier toustes celleux à qui l’on doit la richesse de cette aventure, de ses deux premières saisons et des années d’invention qui les ont précédées. Parce que mine de rien, on les a rêvé depuis un moment ces Enchevêtré·e·s ! C’est d’ailleurs en écrivant ces remerciements et en voyant ressurgir mille souvenirs et tout autant d’images qu’on a pris la mesure rétrospectivement de la monumentalité de cette expérience et de l’intensité de rencontres qu’elle a représentée. Une chose est sûre : ça donne envie de continuer et de recommencer…

Toute l’équipe de l’Empreinte et notamment pour toutes les dimensions et l’envie de faire bouger les lignes de nos paquebots : Nicolas Blanc, Nathalie Besançon et Cécile Huet ; pour les turbines et les possibles devant/derrière/à côté : Corine Arazo, Coralie Dessenoix, Emilie Mourain, Brigitte Solladié, Cécile Fleignac, Mathieu Leyrat ; pour les maisons entre les chemins : Juliette Denys et Pantxika Olharan ; pour les créations croisées tout autant que le bocal d’inventions des yeux et des oreilles : Patrice Montzat, Alexandre Pourfilet, Bertrand Auneau et l’équipe d’intermittent·e·s venue en grand renfort (notamment les complices infatigables : Lulu, Erwan, Yann, Thomas, Clément et Quentin) ; pour les idées, les envies et les diplomaties avant/pendant/après : Jennifer Alario, Anne-Sophie Ohayon, Jérôme Farges, Cindy Teixera et Ghalem Toumi ; et pour les images, les mots infusés/diffusés/relayés : Manon Besse, Céline Monserat et Guillaume Lagrange

Pour les ramifications, les bourgeons et les prolongements : Saul Pandelakis aux manettes des illustrations et de la conception, Vivien Gorse et Pepiteworld pour nos cartes désorientées, Julie Moulier, complice de toujours sur les routes qu’elles soient ou non théâtralisées

Évidemment les jeunes qui ont trouvé comment s’enchevêtrer dans cette drôle de pelote et toustes celleux qui les accompagnent et sans qui rien n’aurait été possible : les classes de 2nd pro, de première, de terminale, de classe préparatoire Beaux-Arts et de BTS des lycées agricole, forestier et horticole de Neuvic, Meymac, Voutezac et du lycée général de Brive-la-Gaillarde aussi prompts aux stylos et aux ateliers qu’aux balades improvisées, les enseignant·e·s qui nous ont accompagnées dans ce laboratoire XXL et dans ses recherches tâtonnantes et qui n’ont eu de cesse de souffler avec nous sur les braises pour faire prendre le feu : Delphine Soldermann, Annette Lamoulie, Emmanuel Coulombs, Élisabeth Ventadour, Prune Méjean, Céline Buret, Raphaëlle Renaudin, Sophie Charbonnel et Fati et Denis Dufour, mais aussi celleux autour et à côté qui ont ouvert les portes, cherché à faciliter nos cheminements dans le casse-tête sanitaire : David Bismuth, Eric Casassus, Jacques Ferrand, Stéphane Lagauzere, Pierre Monnier, Anne Valade ; et enfin les équipes de restauration et de ménage qui ont accueillis avec beaucoup de compréhension les effets de nos désorganisations !

Les habitant·e·s, humains comme non-humains, qui ont eu la générosité de nous ouvrir leur porte, leur lit, leur rive, leur clic-clac et/ou un moment de leur vie : Stéphanie & Ludovic Antoni, l’alouette lulu du Moulin des plats, Jean-Pierre Aumont, Julien Barataud & Audrey Benavent, Roger & Colette Beneix, Thévi Bertrand, Sylvain Block & l’équipe de L’Echaravel, le bois du Jalinas, Cédric Bonnot, Marceau Bourdarias, Élisabeth & François Bourdarias, Suzanne Braun, Alain Brogniart, Philippe Brunet, Philippe Cattaruzza, Nicolas Constancias, Fanny Couegnas, Hervé Covès, Soeur Christophora, Catherine Cuvellier, André Daymard, Pierre Demougeot, Coralie Dessenoix & sa familia à pieds, poils & sabots, la Dordogne et ses voisinages, Christian Dubreuil, Gaëtan du Bus, Denis Dugachard, les fourmis du lac de Viam, Alain Freytet, Alioushka Gaitté, Antoine Gatet, Fabienne Garnerin, Jackie & Didier Garreau, Dominique Gaudefroy, Anne Gillet, Nicolas Grange, Gisèle Gréau, Nell Guérin et ses bouleaux, Christine Guérin-Mouren, les hêtres de la D69, Catherine Hornebecq, Monique Jabiol, Violette Janet-Wioland, Céline Lafarge & Lionel Riberol, Charlotte, Fabien, Nathan et Amandine Lidove, Christine, Gérard & Pépone Lecigne, Hendrikje & Dominique Lepage, Sylvie & Arnaud Louchard, Roger et Gabriel Martin, François Montagnon, l’orage d’été de Chavanac, Luc & Mercedes Orts, Paul Mouren, Frédéric Néron, Thomas Pare, Christine Pouget, Stéphane Ribeire, Lionel Ripault, Guillaume Rodier, le ruisseau de Saint-Merd, Bernard Simonnot, Gérard & Gabrielle Strumpler, Maxence Scurbecq, Olivier Ton, Jérémy Truant, Odile Outters, Jérôme Veziano, Valérie Vionnet-Verdun, Claire, François, Amandine & Bruno pour le monde des cabanes et Olivier Zappia

Le coeur battant du choeur des habitant·e·s composé d’une belle centaine d’habitant·e·s qui a fait résonner les manières d’habiter du français à l’occitan, en passant par le dari, le bengali, l’égyptien, le somali ou le tamoul

Les commerçant·e·s de Peyrelevade et Meymac qui nous ont fait confiance en offrant à Saul Pandelakis des cartes blanches vitrées à explorer : la boucherie Dambon, le bar-tabac La Fontaine, Les musclé·e·s du plateau, Les Fleurs d’Estelle, Go Mags le bistro du jeu vidéo, La librairie Vivre d’Art et l’épicerie vrac PêlMêl

Les musicien·ne·s d’ici et d’ailleurs qui sont venu·e·s partager avec nous l’ambiance des banquet : Augusto et sa batucada à Meymac ; Aurélien, Fabien, Florent, Wesley pour la session jazz manouche dans la montagne limousine ; Hassan pour les chansons à l’oud, ainsi qu’Anthony et Allan pour le répertoire francophone ; le Choeur des Coteaux chantants, Bordial et la banda de Julliac pour l’ambiance électrique autour et dans les serres

Les structures, les associations et les collectifs qui ont portés avec nous les banquets et les circonvolutions collectives de la solidarité : les équipes municipales de Neuvic, Peyrelevade, Meymac et Voutezac, et notamment Pierre Coutaud, Delphine Lamothe, Dominique Miermont, Henri Roy, Stéphanie Ripaul et Lionel Rousset ; Haute-Corrèze Communauté et notamment Marion Barreau et Vincent Menessier ; sans oublier les complicités de Les Carries Sages et des pâtisseries offertes par Florian, l’accueil de La Maison sur la place et de toute son équipe notamment Anne-Cécile Prunier, le musée Marius Vazeilles et David Accadebled qui nous a ouvert grand ses portes pour la lecture comme pour les cabanes sonores, les régalades de Dynamiser Meymac, mais aussi de La Croule (entre autre : Matthieu Uguen) et de Faux solidaire (Marc Bourgeois, Christian Vaillant, Olivier Martin et Alain Detolle) en soutien aux déboutée·s, l’aide précieuse du syndicat de la Montagne Limousine, de la Cimade Peyrelevade, du CADA de Peyrelevade et de Meymac, d’Ambiance Bois, du collectif Faites et Racines, d’Avenir Forêt, du Réseau des Alternatives Forestières, de la Montagne Accueil Solidarité pour concocter des possibles, l’association d’Entraide du plateau et notamment Jérémy Veyret, la ressourcerie de Neuvic et celle de Brive pour concocter des scénographies recyclées, mais aussi l’agence Tourisme Haute-Corrèze et notamment Sophie Bonnelie, l’espace Jeunes à Meymac et Ghislaime Arbaret, le Jardin partagé de Peyrelevade, Les Petits bouts et Stéphanie Roché, le Pays d’art et d’histoire des Hautes Terres Corréziennes et de Ventadour pour l’ouverture des perspectives, la compréhension et les horizons, le PNR de Millevaches et son équipe toujours disponible pour répondre à nos questions ou tenter des sorties sur le terrain, les membres de la Dordogne de villages en barrages et ses routes arpentées notamment Annabelle Millot pour les rebonds bien envoyés, l’équipe d’EDF qui nous a acceptées sur des auscultations de barrage, dans le ventre des machines ou au cours d’entretiens fleuves et notamment Yannick Chabin, David Thomas, Cédric Cheminade, Yohan Duguet, Rodolphe Vouhé et Robin Lhermite, la MARPA et Myriam Szymanski, Famille Rurale d’Objat et notamment Florence Duviallard et Mélodie Revel, Le Comité des Fêtes de Voutezac et Daniel Taysse, Le jardin de Murat qui nous a accueilli dans la folie des semis pour rêver ensemble le temps d’une nuit et notamment Antoine Filitowski, Agir autrement en Xaintrie, Réfléchir et Informer sur la STEP de Redennat et La Loutre fluorescente pour la mémoire des combats contre le nucléaire et les luttes encore actuelles contre les grands aménagements, le café Canopée et toute l’équipe d’arpenteureuses du Jardin sauvage qui nous ont aiguillées sur les parcours et sur les petites comme les grandes choses à observer (et en particulier Dominique Gaudefroy et Michèle Lapeyre), le CPIE de la Corrèze et notamment Florence Compain, le collectif Fossile Futur et Simon Dubedat, la maison de l’eau et de la pêche et notamment Sébastien Versanne-Janodet, Peuple et Culture et notamment Manée Teyssandier, Paloma Léon et Raphaëlle De Seilhac mais aussi et enfin Radio Vassivière et sa joyeuse équipe de micros nomades qui n’ont pas manquée de nous accompagner

Eliane Beaufils, Marion Boudier, Anne Pellois, Climène Perrin, Julie Sermon qui nous ont offert l’occasion de prolonger nos cheminements avec la tête et les pieds du côté des livres, des entretiens, des workshops ou des ateliers

Et enfin pour les inspirations, les envols et les échos et plus largement : Armand Gatti et ses expériences théâtrales à la croisée de Neuvic et de Peyrelevade, Marie-France Houdard et son invitation à creuser la curiosité, Marie-Pierre Bésanger et les aventures du Bottom Théâtre tout comme celles de la Luzège qui amplifiaient chacun de nos pas, et autour/avec/pendant : Jean-Marc Besse, Malcom Ferdinand, Boris Lozneanu, Frédéric Lordon, Barbara Glowczewski, Mathias Poisson, Geneviève Pruvost, Valérie Rey-Robert, Juliette Rousseau, le collectif Stalker, Hendrik Sturm, Dénètem Touam-Bona, Jacques Tassin, Jean-Baptiste Vidalou.

*

Le péril des remerciements et des listes, surtout quand elles sont longues, c’est bien évidement l’ennui mais surtout – et pire que tout – l’oubli : n’hésitez donc surtout pas à nous écrire pour signaler un manquement (bien involontaire) à ce monument désordonné qui a porté nos marches et les saisons 1 & 2 de nos Enchevêtré·e·s !

Les cartes postales sonores

Au cours de nos 4 marches, nous avons réalisé des cartes postales sonores, messages pour l’oeil et pour l’oreille adressées aux personnes rencontrées sur nos chemins comme à celles et ceux que nous allions retrouver pour les résidences de création qui suivaient ces dix jours d’arpentage. Comme autant d’itinéraires chantés, elles permettent de cheminer dans la mémoire des marches-enquêtes que nous avons menées.

Ces cartes postales sont au nombre de cinq. Celles-ci s’écoutent de préférence avec un casque pour mieux en profiter !

  1. La porte inutile – Chabatz d’entrar qui introduit ce laboratoire d’écriture et de rencontre à ciel ouvert que sont les Enchevêtré·e·s.

2. Oeil pour oeil, dent pour dent : réalisée sur le chemin de notre première marche-enquête autour de l’eau, de sa mémoire et de ses usages.

3. Le Syndrome du Titanic : carte postale réalisée au cours de la marche-enquête de l’air et du sol à l’été 2021

4. Le Vieil arbre : réalisée au cours de la marche-enquête de l’automne sur le chemin des arbres, des forêts, des plantations et autres coupes rases qui ravagent le pays

5. Croire encore : carte-postale réalisée au cours de la dernière marche-enquête lors de l’hiver 2022 sur le chemin des paysages nourriciers

Les tentes sonores

« Commencez par les plantes, suivez leur croissance pleine de curiosité, le développement de leurs racines filantes et de leurs rhizomes, l’ample trajectoire de leurs pollens et de leurs graines, et vous verrez bientôt apparaître toute une écologie d’existences, de devenirs et de dissolutions. Laissez-vous gagner par la dynamique involutionnaire qui pousse impérieusement ces êtres à entremêler leurs vies, et vous ne tarderez pas à voir des écologies affectives prendre forme dans la jungle des relations qui vous entourent. » Natasha Myers

Comment faire entendre les voix du monde ? Comment tenter d’ouvrir en soi une écoute singulière ? Une attention renouvelée à d’autres êtres envisagés non plus comme autant de détails du décor mais comme acteurs et actrices d’un monde commun ? C’est le chemin que nous avons accompli au fil des marches, cherchant des points d’écoute comme autant de points de vue, traversant des paysages sonores vivants dont ces tentes sont autant de témoignages et de scènes.

Au nombre de sept, les tentes sont une invitation à découvrir avec la main, l’oeil et l’oreille, les quatre marches-enquêtes des Enchevêtré·e·s, et de cheminer autrement au fil de ces six cents kilomètres et des rencontres et expériences qui les ont ponctuées. Comme la tente plantée au bord du chemin ou dans un champ pour faire étape au cours de la marche, la tente est un moment de bivouac à vivre seul ou à plusieurs, une halte dans nos vies rythmées par l’oeil et la précipitation.

« Les tentes » se présentent comme une installation in situ, disposée en intérieur et/ou en extérieur en fonction de la météo, pour faire l’expérience par l’écoute d’autres rapports aux vivants et aux paysages. Avec les tentes, on prend le temps de se glisser dans la peau d’un vieux châtaigner, dans celle d’un orage ou encore d’une rivière capricieuse qui dévalerait le printemps.

Cette installation se compose de 7 tentes de camping ou de tipis construits spécifiquement, accompagnés d’ardoises qui en guident la découverte. Dans six d’entre elles est diffusée une création sonore spatialisée – en lien avec le nom de la tente et l’expérience qu’elle permet de faire. Une septième permet de déposer un secret.

Le public est invité à circuler librement dans l’installation. Et à en faire l’expérience au grès de sa curiosité.

© Saul Pandelakis
© Olivier Soulié

Conception et réalisation : Sarah et Barbara Métais-Chastanier

Mixage : Alexandre Pourfilet et Sarah Métais-Chastanier

Scénographie : Patrice Monzat

Graphisme : Saul Pandelakis

La carte des paysages nourriciers

Quatrième et dernière carte de la série des Enchevêtré·e·s, la Carte des paysages nourriciers s’est constituée au fil des échanges et des rencontres lors la marche-enquête réalisée par Sarah et Barbara Métais-Chastanier, en compagnie d’habitant·e·s. Reliant Brive-la-Gaillarde à Voutezac en janvier 2023, cette ultime marche nous a permis de traverser le pays de Brive aux côteaux d’Alassac en passant par Lissac-sur-Couze, Ussac, Travassac, Donzenac, Vignols et Chabrignac. Une marche de dix jours suivie d’une résidence de création partagée à Voutezac et Objat, pour enquêter sur ce qui dans les paysages parlent de nos manières de nous nourrir et ce qui dans nos façons de manger dit déjà quelque chose de nos façons d’habiter.

Ces constellations de paroles des habitant·e·s se sont déployées dans les serres horticoles de l’Ecole d’horticulture et du paysage de Voutezac en janvier 2023 lors de la résidence de création. Fragments de discussion, d’entretien ou d’atelier avec des habitant·e·s, s’y retrouvent pour composer un labyrinthe gourmand et peuplé, une cartographie des paysages regardés sous l’angle de la subsistance et de ce qu’elle nous fait : après l’eau, le sol et l’air, l’arbre et la forêt, voici donc le dernier volet du poster des Enchevêtrées, un récit cartographique de la dernière marche et une plongée géographique et sensible du côté de nos manières de vivre et de manger.

Cette dernière carte, comme les précédentes, est illustrée par Saul Pandelakis (@saulpandelakis), imprimée par Vivien Gorse (@pepiteworld), écrite par Barbara Métais-Chastanier à partir de témoignages recueillis avec Sarah Métais-Chastanier (@sarahmc_pub).

Si vous voulez recevoir les cartes, n’hésitez pas à écrire à Jérôme Farges de l’Empreinte (jerome.farges@sn-lempreinte.fr) ; pour les fresques, elles sont encore visibles sur place : n’hésitez pas à aller vous promener à Voutezac, vous les trouverez sur les vitres des serres horticoles !

Les Enchevêtré·e·s à Voutezac & Objat

Alors que la dernière marche-enquête s’est déroulée comme prévu à l’hiver 2022, le banquet & le Choeur des habitant·e·s sont, eux, reportés à avril 2022 dans l’espoir d’un contexte sanitaire plus favorable.

Après 10 jours de marche, qui ont mené Sarah et Barbara Métais-Chastanier de Brive à Voutezac et Objat, les Enchevêtré·e·s ont posé leur sacs et leurs micros au lycée horticole de Murat. Au cours de cet hiver, alternant ciel lumineux, nuits grises et petits flocons, elles auront traversés les paysages du bassin de Brive passant par Lissac-sur-Couze, Le Chastaud, la vallée de Planchetorte, Ussac, Travassac, Donzenac, Allassac, Vignols et Chabrignac. Prouvant, une fois encore, que les chemins les moins droits sont souvent les plus inspirants. Au fil de zigzags en forme de remontée dans les strates et mémoires des paysages nourriciers, elles seront partie à la rencontre des voix des paysages et de celles et ceux qui les habitent. Une fois encore, ils et elles auront été nombreux et nombreuses à leur ouvrir leur porte pour les accueillir chez eux et partager un peu de leur temps et de leurs mémoires. Qu’ils et elles en soient ici très chaleureusement remercié : merci à François, Claire, Cécile, Bruno et Amandine, merci à Thomas et Hélène, à Dominique et à toute l’équipe du Jardin Sauvage, à Coralie, Christophe et leurs enfants, à Christine, Gérard et Pépone, à Cédric et Perceval, à Alioushka, Maxence et leur petit bout, à Thévi et Olivier, à Sophie, et merci aussi à Emmanuel, Delphine et Annette qui nous ont soufflé des chemins et le meilleur moyen de s’y perdre.

C’est à la suite de ces rendez-vous que vous êtes invités pour la dernière ligne droite des Enchevêtré·e·s :

La suite de la résidence à Voutezac-Objat aura lieu le 8 février à Objat pour un temps d’échange avec les habitant·e·s, et pour le Choeur des habitant·e·s entre les 10 et 14 avril 2022.

Le choeur des habitants de Voutezac-Objat, ouvert à toutes et tous, sans compétence théâtrale ou musicale particulière, sera créé pour l’occasion : rendez-vous pour un apéro discussion le 10 avril à Chabrignac au café Canopée pour en savoir plus !

Entrée libre pour tous les rendez-vous.

Informations et réservations : Jérome Farges – 05 55 26 99 24, jerome.farges@sn-lempreinte.fr

La carte de l’arbre & de la forêt

Troisième carte d’une série de quatre, la Carte de l’arbre & de la forêt s’est constituée au fil des rencontres lors la marche-enquête reliant Tulle à Meymac en passant par Brive en octobre 2021. La constellation de paroles des habitant·e·s s’est invitée dans lors de la résidence de création des Enchevêtré·e·s au lycée forestier de Meymac et sur des vitrines de la ville en octobre 2021, elle prend forme à présent dans sa version papier, imprimée en riso. Fragments de discussion, d’entretien ou d’atelier avec des habitant·e·s, s’y retrouvent pour composer un labyrinthe habité, une cartographie des conduites et contre-conduites qui écrivent, braconnent ou transgressent les espaces forestiers et les milieux vivants : après l’eau, le sol et l’air, voici donc la carte de l’arbre, un cheminement dans les forêts et les plantations limousines, le récit des constellations de la troisième marche-résidence entre Tulle, Argentat et Meymac illustrée par Saul Pandelakis (@saulpandelakis), imprimée par Vivien Gorse (@pepiteworld), écrite par Barbara Métais-Chastanier à partir de témoignages recueillis avec Sarah Métais-Chastanier (@sarahmc_pub).

Si vous voulez recevoir les cartes, n’hésitez pas à écrire à Jérôme Farges de l’Empreinte (jerome.farges@sn-lempreinte.fr) ; pour les fresques, elles sont encore visibles sur place : n’hésitez pas à aller vous promener à Meymac, vous les trouverez sur les vitres !

Iels racontent les Enchevêtré·e·s

Si vous voulez en apprendre plus sur les Enchevêtré·e·s, et plonger dans ce qu’ils ou elles en disent, vous en racontent et en partagent. Voici quelques émissions de radio ou quelques articles qui reviennent sur ces marches-enquêtes, ainsi que sur les résidence qui les ont suivies.

Radio

Neuvic – mars 2021, reportage Chloé Labous pour Radio Vassivière

Meymac – octobre 2021, interview Nini Vegas pour Radio Vassivière

Presse

La Scène, mars 2023, n°108, Thomas Flagel

Grand Prix La Scène du meilleur projet artistique et culturel 2022, Les Enchevêtré·e·s porté par Barbara Métais-Chastanier, met en relief les vertus des résidences longues.

« Habiter un théâtre en tant qu’autrice, en étant soucieuse de tous les vivants, pour construire de nouveaux récits, explorer d’autres modes de productions qui ne reposent pas sur la diffusion, et surtout, sur la logique du modèle concurrentiel entrepreneurial du spectacle vivant, qui réduit ce que nous faisons à des objets vendables en dates. »

Telle était l’impulsion des Enchevêtré·e·s pour Barbara Métais-Chastanier, artiste associée à l’Empreinte, Scène Nationale Brive-Tulle. Pas de compagnie, pas de bureau de production, mais une farouche envie de « sortir des lieux des lieux de monstration pour tenter le débordement ». Son rêve de « laboratoire collectif à ciel ouvert », qui ne donne pas forcément lieu à pièce, mais à « des formes étirées dans le paysage », n’aurait pu voir le jour sans Nicolas Blanc et Nathalie Besançon qui dirigeaient l’Empreinte. « Leur désir sincère de tenter autre chose a accompagné le début de mes rêveries », assure la dramaturge qui passe six mois par an en Corrèze depuis quatre ans, « et m’a permis de sortir de ces contradictions qui me coûtent tant entre convictions écologistes et schéma dominant de production spectaculaire. »

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Première marche-enquête, La Montagne, 22/03/2021, signé Blandine Hutin

À pied, de Tulle à Neuvic, pour capter la nature de la Corrèze et la transformer en art…

Barbara et Sarah Métais-Chastanier ont pris leur bâton d’artistes pour parcourir la Corrèze et en établir une cartographie humaine et artistique. Leur premier périple, entre moyenne et haute Corrèze, s’achève au lycée agricole de Neuvic, où, du 23 au 1er avril, elles vont animer une semaine de résidence de création.  

Les Enchevêtré·e·s, c’est un projet au long cours (*), artistique, culturel (et un peu sportif aussi) que Barbara Métais-Chastanier a lancé la semaine dernière entre moyenne et haute Corrèze. 

Un projet qui « croise écriture, infographie, vidéo, création musicale, documentaire et illustration », résume-t-elle, une « plongée dans les paysages de la Corrèze à la rencontre de leurs habitants » pour en réaliser « une cartographie documentaire graphique et sonore. »

Ce projet se déroulera en  en quatre temps de marche, pour les quatre saisons, qui chacun se termineront par un temps de résidence, pour poursuivre l’enquête et en partager les fruits. 

Accompagnée de la musicienne Sarah Métais-Chastanier, l’artiste, spécialisée dans la création documentaire, a donc lancé la marche de printemps, sac au dos et l’esprit ouvert lundi 15 janvier.

Six jours de marche et de rencontres

Quinze à 20 kilomètres par jour, dans le vent, la pluie et, vendredi dernier, dans la neige, pour rejoindre Neuvic, au départ de Tulle, via Gimel-les-Cascades, Saint-Pardoux-la-Croisille, Saint-Merd-de-Lapleau, Laval-sur-Luzège, Bort-les-Orgues et Roche-le-Peyroux.

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Deuxième marche-enquête, un article dans La Vie Corrézienne, 15/10/2021 de Jérémy Truant
Sarah et Barbara ont relié Tulle à Meymac afin de recueillir des témoignages sur la forêt (DR)

Après dix jours de marche depuis Tulle, Sarah et Barbara Métais-Chastanier sont arrivées à Meymac. L’objectif : mener une marche enquête autour des arbres et des forêts. C’est le thème de ce nouveau projet artistique des Enchevêtré.e.s, enquête en Corrèze. Quel site aurait été plus adéquat que le lycée forestier, et ses lycéens, de Meymac, pour l’arrivée de la marche des Enchevêtré·e·s sur le thème du bois et de la forêt ? Lundi 11 octobre, au terme de 10 jours de marche et de rencontres, Sarah et Barbara Métais-Chastanier sont arrivées dans l’établissement aux alentours de 17h30.

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Deuxième marche-enquête, un article dans La Vie Corrézienne, 05/11/2021, signé François Montagne
(c) Olivier S/ – 28mm photo

Les Enchevêtré·e·s sont une production de l’Empreinte Scène nationale Brive-Tulle dans le cadre de l’association avec l’artiste Barbara Métais-Chastanier depuis 2018. Ils tirent le fil sur les arts vivants et les arts du vivant, sur les traces que laissent les activités humaines et sur la façon dont elles ont façonné, enrichi ou dévasté le paysage.

Pour constater l’évolution de ce paysage et la manière dont les habitants l’appréhendent, Barbara et son équipe ont parcouru une partie de la Corrèze à pied en allant au-devant de deux-ci. Elle se propose de réaliser un périple en quatre-vingt jours découpés en quatre étapes, avec quatre thèmes principaux et qui se déroulent au fil des quatre saisons. Jeudi 21 octobre se concluait la troisième marche automnale qui l’amenait de Tulle à Meymac en dix jours, suivi de manifestations qui invitaient les habitants à s’exprimer et à participer.

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Dernière marche-enquête, un article dans La Montagne, 21/01/2022, signé Christine Moutte
(c)Christine Moutte – workshop de scénographie in situ

Pourquoi deux artistes ont parcouru à pied le bassin de Brive pendant dix jours et résidé au lycée de Voutezac ?

La dernière étape des Enchevêtré.e.s, projet corrézien artistique porté par L’Empreinte, passe par les chemins du bassin de Brive et le lycée horticole de Voutezac.

Le projet porté par Barbara Métais-Chastanier, artiste associée à la scène nationale L’Empreinte Brive-Tulle Les Enchevêtré·e·s, lancé au printemps 2021, a pour objectif de réaliser une cartographie documentaire graphique et sonore de la Corrèze. La dernière étape de cette démarche artistique est passée, en ce mois de janvier 2022, par les chemins du bassin de Brive et le lycée agricole de Voutezac.

Une marche entre Brive et Voutezac

Partie le 2 janvier 2021 du théâtre de Brive, Barbara Métais-Chastanier, artiste spécialisée dans la création documentaire, a parcouru environ 150 km pour rejoindre le lycée horticole de Voutezac le 11 janvier, en faisant quelques détours par Lissac, Donzenac, Chabrignac… Une quatrième marche après trois autres effectuées en haute et moyenne Corrèze.

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Les Enchevêtré·e·s en Lozère

Chaque année au mois de novembre, l’équipe de l’hiver nu invite un·e artiste dont elle se sent proche à venir à la Fabrique du Viala avec une équipe de son choix pour quelques jours de résidence et deux jours de rencontres publiques.

Autour d’une thématique élaborée conjointement, « Accès Libre » est l’occasion d’un véritable partage créatif entre les artistes de l’hiver nu et les artistes invité·e·s d’une part, entre les artistes et les habitants de la vallée d’autre part.

Cette année, autour de la question « À quoi pensent les choses du monde ? », Barbara Métais-Chastanier propose de partager le projet Les Enchevêtré·e·s qu’elle mène depuis un an avec la Scène Nationale l’Empreinte avec Sarah Métais-Chastanier et Saul Pandelakis. L’occasion aussi de faire voyager en Lozère ces enquêtes en Corrèze.

Au coeur de cet Accès Libre se rejoignent ainsi la question écologique, le souhait d’une hospitalité élargie à toutes les formes de vie, la poésie des paysages sensibles et des histoires qui lient les habitant-e-s (humain·e·s et non-humain·e·s).

Retour en image sur ces deux soirées des 5 et 6 novembre 2021 à la croisée de l’écoféminisme, de l’écologie queer et de l’exploration des paysages sonores, en compagnie de Michael Hallouin, de L’hiver Nu (Baptiste Etard et Claire Perraudeau), Barbara & Sarah Métais-Chastanier, Saul Pandelakis et UltraMoule.

Photographies :  (c) Laurent Cadeac 

VENDREDI 5 NOVEMBRE
Toute la soirée : installation de tentes d’écoute et de photos
De 18h à 19h : Tant que les arbres, balade sonore (départ toutes les 15 min, par petits groupes)
Prévoir une tenue chaude, des chaussures de marche et une lampe de poche
19h30 : Lecture « Le Bond Sourd de la Bête Féroce », texte en cours d’écriture, de et par Michaël Hallouin
20h30 : Propositions autour de « Dialogues de plantes », de et par la Cie L’hiver nu
21h : L’enfant muette, conte musical, de et par Barbara et Sarah Métais-Chastanier
21h30 : clôture-rituel autour du feu

SAMEDI 6 NOVEMBRE
14h : rendez-vous pour le café
14h30 : Lecture musicale « Transcoder », de et par Barbara et Sarah Métais-Chastanier
15h : Lecture « La séquence Aardtman », de et par Saul Pandelakis
16h : Une après-midi au théâtre, pour les enfants de 4 à 13 ans, avec Nathalie Massenet
18h : balade sonore (départ toutes les 15 min, par petits groupes)
Prévoir une tenue chaude, des chaussures de marche et une lampe de poche
20h30 : Banquet à prix libre
22h : Concert d’Ultramoule, électro-punk féministe
23h45 : DJ set éco-féministe, avec Sarah Métais-Chastanier

La marche de l’automne

« Pour le tuer ce pays, tant qu’il parle sa langue en fleurs de l’arbre vieux,
non il n’est pas né le chasseur. »
Marcele Delpastre

Troisième marche-enquête des Enchevêtré·e·s, la marche de l’automne nous mène sur la trace des forêts, des arbres et des relations entre humains et végétaux. Reliant Tulle à Meymac, en passant par Argentat, cette marche-enquête nous aura permis d’aller à la rencontre des habitant·e·s – humains, non-humains ou plus qu’humains –, de traverser la mémoire des forêts, leur présent possible comme leur futur en lutte. Des sentes fuyant dans les broussailles, sentiers de ronces, d’échappées, car l’histoire, pas plus que la forêt, ne s’arpente simplement dans un sens ou dans un autre.

Parties le 2 octobre de l’Empreinte, théâtre à Tulle, nous sommes arrivées le 11 octobre à Meymac pour deux semaines de résidence de créations partagées. Ces quelques lignes à suivre partagent, de façon bien fragmentaire, les visages et les moments de cette marche.

🌳J1 : De Tulle à Saint-Fortunade 🌳

Nous partons au petit matin du théâtre de Tulle pour cette première journée de marche, celle qui inaugure ces 10 jours que nous allons passer sur la route, accueillies ici et là par tant de portes qui s’ouvrent, de personnes rencontrées qui foulent le chemin avec nous, qui prennent le temps de partager un peu de leur temps, un peu de leur vie. Autour des arbres, comme autour des forêts. ✨Première étape ce matin, qui pour la troisième fois, nous fait éprouver la puissance des départs partagés, leur nécessité aussi, et l’étrange sensation des seuils quand on quitte la ville à pied, elle qui est plutôt faite pour la bagnole et les circulations rapides. Le chemin monte raide, file droit vers le Sud-Ouest cette fois-ci. La côte attaque rude comme tous les flancs qu’on puisse prendre en décidant de quitter Tulle à pied. Mais en quelques minutes de montée, nous voilà déjà à flanc de colline, étonnement entouré.e.s d’arbres et de bois : au sol, l’automne nous offre ses richesses : châtaignes, faînes, marrons et champignons nous accompagnent dans notre sortie de route.🍂Après cette étape partagée, nous sommes accueillies chez François et Elisabeth qui nous ouvrent grand la porte de chez eux, alors même qu’ils n’y sont pas. Une lettre et les attentions laissées sur la table racontent pour eux tout ce qu’ils offrent en leur absence.

🌳J2 : de Saint Fortunade à Albussac 🌳🥾☔

Deuxième journée – entre pluie et grand vent – pour relier Sainte Fortunade à Albussac. 💧 Sentir le paysage glisser doucement vers les gorges de la Dordogne, et glisser d’abord le long des autres gorges plus proches : celles de la Valeine et celles des Rochettes. 🥾Traverser plusieurs coupes rases. Des chemins boueux ravagés par l’eau. 🌰Plusieurs sites aussi de châtaigniers cultivés en cépées, vestiges bien vivant d’une civilisation de la châtaigne et du chastenh . Ces taillis racontent pour les feuillardiers qui ne sont plus là et qui pourtant les ont plantés, ces poteaux, piquets et tuteurs qu’offrait aussi l’arbre à pain. 🌿Ils sont aussi un témoignage de cet incroyable pouvoir de renaissance du végétal, arbres aux troncs multiples renaissant après la coupe. 🌿A mi-parcours, Suzanne nous accueille chaleureusement dans sa grange pour tenter de faire sécher ce qui peut l’être et une pause casse-croute au sec. Elle vient de Manchester. Est arrivée ici quelques mois avant le covid. Et accueille à bras ouverts les étrangères que nous sommes. 🥾 Après une dînette entre deux bottes de paille : nous filons direction Albussac, pour rejoindre David et Anne-Lise dans une vaste grange devenue maison-grenier à rêve pour petits et grands. 🍲La dînette improvisée réchauffe les corps mouillés tandis qu’on discute tranquillement forêt comestible et plantation.🌱 Demain cap vers la Dordogne. 💧

J3 : D’Albussac à Monceaux-sur-Dordogne👣🐜

🌲Dans la vaste grange de David, au petit matin, nous découvrons un ancien globe en bois, comme une invitation à poursuivre la marche et le voyage, ce chemin de l’enquête autour des arbres et des forêts. Il est tôt. Le jour est épais de brume. 🕷️🕸️Les toiles d’araignées volent un peu partout entre les herbes et la rosée et l’on quitte très vite à pic la maison pour descendre à flanc de gorges. Le bruit assourdissant des cascades remontent très loin sur le chemin alors que nous descendons lentement vers elles, accompagnées du chien de la maison et des nombreux cèpes qui parsèment notre route. 🍄🍄

Ces cascades de Murel, dont la légende voudraient que, les jours d’orage, elles fassent sonner les harmonies des cloches du village où un diable les y aurait laissées, nous les avons longuement enregistrées. Qui sait si entre les glouglous il n’y avait pas quelques harmonies et les souvenirs d’un vieux diable qui serait passé par là ?👺👹 Au fil de la marche, le paysage se fait plus ciselé, entre bois, ruisseaux et vallées, et nous passons de l’une à l’autre avant de rejoindre la Dordogne et ses flots plus épais. Sur la route : beaucoup de maisons abandonnées, des serres où les ronces et les herbes ont fini par prendre le dessus, de vastes prairies, ici moins qu’ailleurs on a la passion de la clôture. Dans les derniers kilomètres de cette longue étape, on enregistre un étonnant duo rouge-gorge-tronçonneuse avant de rejoindre la cascade du Malpas pour y passer la nuit au chaud. 🌳🍀🌿🌱🍁🍃

Demain, nous rejoignons L’Echaravel pour rencontrer quelques personnes du collectif Faîtes et Racines, pour parler rachat collectif de forêt et partage de savoir-faire.

J4 : 🌳 de Monceaux-sur-Dordogne à Saint-Chamant 🥾

Quatrième jour pour cette marche-enquête autour des arbres et des forêts qui nous mènera jusqu’à Meymac. On quitte Monceaux-sur-Dordogne sous des trombes d’eau, après avoir échangé avec Roger et Gabriel sur les paysages d’ici et leur transformation progressive. Quarante ans qu’ils tiennent le camping, ils en ont vu passer des canoës, des familles et des générations pendant toutes ces années. Ils racontent ce pays de la fraise qu’était Monceaux, les vignes qui remontaient jusque sur les coteaux, et plus tard encore les camions entiers qui remontaient à Rungis livrer dans la nuit les fraises fraîches aux parisien·ne·s. 🍓Les devoirs de jardin et les devoirs d’école. On les quitte un peu tard dans la matinée. En bas de l’escalier, s’amusant de nos tenues de skieuses pour temps pluvieux, ils nous lancent un « tout schuss les filles ! » qui résonne entre les pierres.

🌿 Nous voilà en route pour Saint-Chamant, pour un hameau perché entre crêtes et collines.💧 La Dordogne est gonflée des eaux de septembre. Les pêcheurs ne viennent pas s’y risquer avec un tel débit. Sûrs qu’ils ne trouveront aucun poisson. Sur la route à Argentat, on rencontre Manon qui explique : 🌳 « Parler de l’arbre, c’est toujours parler d’autre chose. Les humains parlent de forêt parce qu’ils ne savent pas parler d’un souvenir, d’une histoire de famille, et c’est ça qui les y relie encore : les arbres, les forêts. Un peu comme une mémoire plus grande que nous ». 🌳

C’est d’ailleurs ce qui nous conduit chez Jean-Pierre, ébéniste, qui travaille ici dans son atelier depuis des dizaines d’années. Les meubles patientent dans la vitrine. Tandis qu’à l’arrière dans l’atelier, il s’active pour réparer une vieille armoire ouvragée. Ça sent bon les copeaux, les huiles et les vernis qu’on passe sur les veines. Ses mains ont la douceur du bois.🌱 Celui des fruitiers surtout. « On faisait pas trop du pin ici ou du sapin, confie-t-il, ou alors des chaises et les gens les gardaient pas. Ce qu’on faisait, c’était du merisier, du chêne, du châtaignier.🌳On n’est pas dans le Jura ici hein, alors moi c’est surtout ça que je fais ». 🌰

Dans le prolongement de son atelier, on emprunte un sentier qui file droit vers les crêtes. S’éloigne peu à peu de la Dordogne, remonte le flancsl des collines où les nuages s’accrochent encore pour disparaître peu à peu. Autour, c’est plein de chênes et de châtaigniers. 🍂 Les chemins sont jonchés de glands, de champignons et de châtaignes qui nous montrent le chemin de l’automne et de ses fruits. Le soir, on retrouve un des membres de Faîte et Racines, une association qui agit pour préserver un patrimoine forestier vivant et diversifié en Corrèze. Il nous accueille dans sa maison où circulent vies et envies d’autres mondes. 🌱 On parle rachat citoyen de forêt, propriétés collectives associatives pour en faire des lieux de transmission de savoir-faire, des chantiers d’entretien et d’apprentissage, on évoque les perspectives, les interrogations et les envies : celle de pouvoir reconstruire une filière bois en proximité, celle de voir d’autres associations comme celle-ci se développer ailleurs. 🌳 À la nuit tombée, la petite tribu se retrouve autour d’une grande table dehors pour préparer le repas avec les légumes du jardin. Des courges, du chou et des patates font une grande marmite qui cuit sur la cuisinière à bois tandis qu’on prépare la route du lendemain : direction La Roche-Canillac.

J5 : ☀️ de Saint-Chamant à La Roche-Canillac ⛅

Au petit matin, les brumes recouvrent encore la vallée qu’on domine depuis le hameau. La maison s’éveille peu à peu. Aujourd’hui, le pain se prépare. Le levain a été réveillé la veille. Des ami.e.s arrivent d’un peu plus loin pour participer à la fournée tandis que le four chauffe. Les chèvres quittent l’étable pour retrouver les prairies et nous nous remettons en route pour le plateau. Après avoir descendu en direction de la Dordogne, il s’agit maintenant de remonter et l’étape promet d’être longue, en kilomètre comme en dénivelé.☀️

On traverse sans trop s’en rendre compte la faille d’Argentat dont nous parlait Bernard, rencontré quelques jours plus tôt. Difficile d’imaginer sous nos pieds les effets de ce choc entre la plaque africaine et la plaque européenne. Preuve que les géographies se relient toujours à des territoires bien plus vastes que ceux qu’arpentent les pieds. Et qu’on peut être parfois tenté de ne s’en tenir qu’à la surface en ignorant tout des mondes qui s’y sont engloutis. Tandis que nous marchons ce 6 octobre 2021 entre les pins, les bouleaux, les chênes et les châtaigniers, s’agite sous nos pieds la mémoire des arbres luxuriants qui poussaient là, il y a quelques trois cent millions d’années, quand la France se trouvait au niveau de l’équateur et que les plantes et les arbres y poussaient sous des formes tropicales et étonnantes 🌱 : sous nos pieds, les Lépidodendrons, dressés du haut de leur 40 mètres, sous nos pieds les Calamites et les fougères arborescentes, sous nos pieds ces forêts englouties, avalées, qui des centaines de millions d’années plus tard font que les humains s’agitent encore tout au long de la faille pour chercher qui de la houille et qui du gaz ou du pétrole.🌳 Les arbres, encore eux, mais sous d’autres formes. La mine et la forêt se retrouvent ainsi reliées par des millions d’années d’écart et par des modes de gestion tandis que nous marchons.

Sur la route, autour de La Chapelle des égaux, où nous cherchons à la fois la chapelle que nous ne trouvons pas et les égaux qui ont disparu depuis belle lurette, nous nous offrons une pause bien méritée dans le champ de Laurent qui prépare l’arrivée de ses limousines avant les vêlages qui s’annoncent pour bientôt. 🌳 Il raconte que pour lui, la forêt, c’est plutôt un refuge, un abri, même si la société la perçoit comme un endroit inquiétant, où on perd l’orientation. Et je repense à Pierre d’Avenir Forêt qui rappelait que cette vision était une « vision de sédentaire et donc de bourgeois. La forêt, ce n’est plus le milieu des gens qui se sont sédentarisés. » C’est lui d’ailleurs qui avait ajouté : « Cette opposition nomade/sédentaire, tu peux même la transposer sur animal/végétal : le végétal, il est sédentaire ; l’animal, il est nomade. » Et nous voilà, nous, nomades provisoires à tenter de comprendre cette immobilité trompeuse dont sont faites les forêts, avant d’atteindre La Roche-Canillac où nous échangeons quelques mots avec Marie-Claude qui abrite dans son jardin les ruines de l’ancienne gare des tramways de la Corrèze. 🚊 Elle pointe du doigt une petite cabane en bois rouge effondrée sur elle-même un peu loin.  »C’était ça oui. La gare. La gare du tacot. »

J6 🥾 de La Roche Canillac à Clergoux 🌳🌳🌳

Aujourd’hui, nous prenons la route direction Clergoux, longue traversée qui nous fait emprunter bons nombres de sentiers déserts entre charmes et châtaigniers. Au fil de la journée, on voit peu à peu apparaître les Douglas et les épicéas – souvent rongés par le scolyte -, entrecoupés de lacs et d’étangs qui donnent à ces paysages l’étrange écho d’un petit Canada. 🍁 A la fin de la matinée, nous rencontrons Philippe et son fils, Nathan, qui remplissent un camion de bois de chauffage. Ils préparent une livraison pour un client à quelques kilomètres de là. Philippe nous confie que sa famille était déjà dans le bois et la forêt, alors il a grandi au milieu des arbres, il a appris comme ça, sur le terrain, avec des cabanes et des tronçonneuses, aux côtés de son père bûcheron. C’est pour ça que c’est lui qui éclaircit ses forêts, « je fais tout moi-même, à la tronço et avec un cable », que des feuillus, car les gens ici, ils ne brûlent pas du sapin, c’est ce qu’il dit : « On n’est pas dans les landes hein. Ici, les gens pour leur cheminée, ils veulent du chêne du pays, du chêne rouge, du hêtre ou du charme ».🌲 En jetant un œil un peu inquiet à l’épicéa derrière nous qui a séché sur pied, comme pas mal d’autres avec lui – du fait des changements climatiques -, il ajoute : « Quand on plante, on plante pas pour nous : on plante pour les générations suivantes ou pour celles d’après même. Si c’est du résineux, c’est la génération suivante ; si c’est du feuillu, c’est celle d’après. Ça existe plus à l’époque de la mondialisation tout ça, faut que ça aille tellement vite maintenant. Mais nous, on n’est pas si pressé. On prend notre temps. Comme les arbres. » 🌳🌳🌳

🌱Je repense à Franck, ce bûcheron rencontré il y a quelques semaines sur un chantier qui racontait comment il avait vu les conditions de son métier changer : « Avant il y avait des grosses équipes de bûcherons, aujourd’hui ça se voit de moins en moins. Mais on a besoin de bûcherons qualifiés pour aider les engins quand on ne peut pas mécaniser. C’est pas le bûcheron coupeur de bois comme on pouvait le faire avant. Et le métier a changé : moi, quand j’ai commencé bûcheron, on avait des salaires qui étaient corrects. Aujourd’hui, pour arriver à avoir un bon salaire, c’est compliqué. Les tarifs augmentent mais nous on est payé au même prix qu’on était payé il y a 20 ans. Y a des intermédiaires qui se paient comme il faut. Celui qui est au bas de l’échelle, c’est pas celui qui gagne bien sa vie. » Comme on était plein d’entrain malgré le froid et la pluie, je lui avais proposé de lui offrir un baguette magique pour savoir ce qu’il ferait s’il pouvait changer tout ce qu’il voulait et il m’avait répondu : « Qu’on revalorise le travail des petites gens, c’est con à dire mais ce serait bien, dans tous les domaines et qu’on arrête de graisser ceux qui finalement ne font que du transfert d’argent. Bon, mais ça c’est un peu utopiste… » Normal, non quand on vous offre une baguette magique ? Et même sans d’ailleurs.

Après avoir longuement enregistré le dialogue d’un charme et d’un châtaignier grinçant de concert dans le vent, nous approchons du barrage de la Valette. La marche nous faisant passer pas si loin de la ferme de Lionel et Céline qui nous avaient accueillies lors de la première marche-enquête et avec qui on avait échangé autour de l’eau et de ses usages, nous en profitons pour un faire un petit coucou, saluer les chèvres et prendre quelques fromages au passage : là où nous étions arrivées en pleine période de mise bas, nous arrivons ici au moment des derniers fromages, des traites plus irrégulières et de la mise en sommeil de la ferme et de ses bêtes. Comme les arbres qui eux aussi entrent en dormance, le monde animal – bien loin des cycles artificiellement entretenus – se laisse sombrer vers sa somnolence et son repos. 🌳🌳

🌳Le soir, dans les chemins que nous empruntons, les premières feuilles d’automne commencent à faire de petits tas qui étouffent le bruit de nos pas. Bientôt, les feuilles mortes. Mais d’abord demain Vitrac-sur-Montane et sa forêt-jardin

J7 : de Clergoux à Sarran 🌲

La brume recouvre encore les champs quand nous quittons Clergoux direction Sarran et le Pont Maure. 🍓Après un petit tour au marché, où patientent quelques charriots en quête de leur steak ou de leur jambon, nous longeons l’étang Prévot que surplombe, abandonné, l’ancien hôtel du lac.🌲 Les forêts qui bordent la route sont propices aux enregistrements comme aux cueillettes. 🥾On quitte le regard de la marche pour celui de la cueillette, l’œil furète, cherche le détail, l’indice ou la trace du champignon qui ravira le soir les papilles. 🌼

Je repense à ce que nous racontait Dominique Gaudefroy quelques semaines plus tôt, expliquant qu’il préférait les petites choses, les fleurs minuscules, les plantes de rien tout, qui se prêtent mieux à la photographie, quand l’arbre lui déborde le cadre, ne tient jamais franchement dans l’image. 🌱 Me reviennent alors en tête les dessins d’Alain Freytet des arbres du Limousin, comme observés depuis ce point de vue que nous offrent maintenant les drones mais que nous livrait, avec une épaisseur sans doute plus mystérieuse, l’imagination. Devant moi, ces silhouettes dessinées sobrement au crayon à papier où l’effet d’unité de l’arbre, prend tout son sens. 🌳Je repense à aussi à ces toiles peintes obstinément par Pierre-Marie Ziegler pendant plus de quinze ans, les yeux et les mains rivés sur les arbres et les forêts, ces toiles où la matière tentait de capter ce qui est plus que l’arbre, ce qui est plus que la forêt et qui pourrait être sa vie dessinée en tant qu’expérience, cette chose magnétique, vibratoire et reliée qui empoigne tous les sens et vous jette dedans.🛣️

Et tandis que me remontent en tête quelques-unes de ses toiles aux couleurs tranchées, nous voilà traversant bientôt cette limite qui coupe le paysage en deux tranches inégales : l’autoroute A89 qui traverse la Corrèze d’Est en Ouest et, parallèle mais légèrement décalée, la D1089, qui organise les déplacements comme les vies. À pieds, avec la lenteur d’un autre temps, nous voilà – après sept jours déjà – arpentant un espace que nous aurions pu traverser en 1H30 à peine par l’un de ces deux axes. Nous poursuivons notre culture du ralentissement qui est aussi une pratique du détail et de l’attention. Et sur ce passage qui doit favoriser la circulation des espèces – c’est ce qu’on comprend en regardant les silhouettes de sangliers et de chevreuil qui ornent ledit pont que nous empruntons – se trouve donc une toile en plastique verte, elle-même masquée par quelques maigres arbres. Nous faisons l’étrange expérience de cette passerelle, inhospitalière, il faut bien le dire, où le bruit assourdissant de l’autoroute et des bagnoles s’accompagne de l’étrange sensation de ne voir que du vert, des arbres ou des arbrisseaux. Là aussi l’œil n’est pas à sa place pour voir ce qu’il ne voit pas. Et l’on découvre pas après pas, le peu de considération que les humains accordent à la cachette, quand les autres vivants savent qu’elle est la conditions de la rencontre.

Me reviennent alors en mémoire les paroles d’Olivier, rencontré à Millevaches, il y a déjà quelques mois : « Les racines d’un arbre, c’est un iceberg. Certains vont dire que c’est moit-moit, certains vont dire que c’est 2/3 sous-sol et 1/3 aérien. Mais le problème, c’est qu’on sait pas en fait. On n’a pas des espèces de sonar pour faire des cartographies 3D des racines. Mais le jour où quelqu’un l’invente, ça va être une révolution. » Depuis, je ne peux m’empêcher d’imaginer ces forêts invisibles que cachent la terre et le sol en miroir des parties aériennes : ces bois racinaires, ces nuages de radicelles, ces réseaux mycorhiziens dont nos cueillettes gourmandes sont un discret témoignage.Arrivées à l’Éveil de la forêt, au Pont Maure, nous découvrons les buttes qui dessinent le jardin à flanc de rivière, les arbres francs qui poussent en attendant d’être bientôt greffés, avant d’être accueillies par Sylvie, Arnaud et leur fille, Chloé.

Ce soir, comme en écho à nos pensées du jour, nous dormirons dans l’atelier, dans une cabane en bois construite de leurs mains, au bord de la rivière où ce sont les dessins et les peintures qui veilleront sur nos duvets et sur nos sacs. Le soir arrivant vite nous repoussons à demain matin la visite de leur forêt jardinée, mais les discussions font des rebonds entre forêt nourricière, pratiques permacoles, Croqueurs de pomme et le verger-conservatoire de Sarran. Nous sommes chaleureusement accueillies autour d’un repas de pieds de mouton, de chanterelles et de petits cèpes trouvés dans leur jardin, car la forêt nourricière l’est de plein de manière. Demain : nous reprenons la route direction Le jardin du Centaure pour rejoindre Dominique et Hendrikje, paysans-herboristes.

J8 : de Sarran à Saint-Yrieix-le-Déjalat

Avant de prendre la route et de commencer notre traversée des Monédières, nous visitons avec Sylvie et Arnaud leur forêt nourricière. Sous l’ancien couvert des bouleaux, des hêtres et des chênes, poussent ainsi des légumes, des arbustes fruitiers, mais aussi des saules permettant tout à la fois de réaliser des sculptures en osier vivant, des paniers, des corbeilles, des pondoirs…☀️ Les attrape-rêve cèdent ici la place aux attrapes lumières et aux courbes de niveau pour penser la circulation de l’eau et son cycle dans les plantes. Au fil du jardin-forêt, nous découvrons ainsi des haies tressées en saule, un pont qui le prolonge et le dessin d’un futur labyrinthe vivant qui fera l’objet d’un prochain atelier de transmission. La mémoire des gestes du·de la vannier·ère se transmet encore ici et là quand tant d’autres savoir-faire de la culture paysanne ont disparu broyés par la machine silencieuse de l’industrialisation. 💧Nous terminons notre visite par un tour dans l’ancien moulin où gisent encore les mécanismes qui permettaient de moudre la farine avec la seule force de l’eau. Progressivement un monde en remplace un autre, pourtant ici se cherche une vie en équilibre avec les autres vivants, à la manière de ces guildes qui associent des plantes qui interagissent et s’entraident afin de créer un écosystème stable et durable. 🌱

Sur les conseils de Sylvie et Arnaud, nous empruntons les petits chemins qui longent la rivière direction le Puy de Sarran et ses 819 mètres pour surplomber le massif des Monédières avant de nous engager dans sa traversée. 🌲Les quelques kilomètres qui mènent au point culminant nous font traverser nos premières grandes plantations de Douglas. Nous gagnons bientôt le Puy de Sarran par le chemin du calvaire, indiquée en son sommet par trois énormes croix qui dominent le paysage. 🍃De là, on aperçoit les routes et sommets qui nous ont guidées lors de notre première marche-enquête au printemps derniers autour de l’eau et de ses usages, mais aussi plus loin, au nord, le chemin emprunté lors de la 2nd marche-enquête de l’été autour du sol & de l’air. Nous voilà déjà au 8e jour de cette troisième marche-enquête consacrée cette fois aux arbres et aux forêts. Je repense à cette photographie que nous ont montrée hier soir Arnaud et Sylvie, où l’on voit le moulin et tout au loin le Puy de Sarran, pelé, sans la trace d’aucun arbre alors que sous nos yeux s’étale une mer de résineux où se détachent – comme l’écume – quelques coupes rases. Et pourtant, plus loin encore, autour de l’an mille et jusqu’au 14e siècle sans doute, ces paysages étaient recouverts de hêtraies qui furent déforestées par des incendies mal maîtrisés mais aussi par les cultures et les pâturages. « Si tu veux vraiment remonter à je sais pas combien de générations, à deux cents générations par exemple, soit y avait personne soit y avait des peuples forestiers, c’est ce qu’il me dit Pierre d’Avenir Forêt quand on échange il y a quelques mois. Quand on entend tout le temps : ici, y avait pas de forêt, c’est faux. Parce c’est ta grand-mère qui te raconte ce que sa grand-mère faisait et la tradition orale elle ne va pas plus loin – donc en gros, c’est cinq générations, et alors oui, effectivement, il y a cinq générations, il n’y avait pas d’arbres. Mais c’est une mémoire à hauteur d’homme. Et c’est tout ce dont on se souvient. La nature, elle, elle est dans des cycles beaucoup plus longs : elle prend son temps. »

Le vent souffle au sommet du Puy signe qu’il est temps de se remettre en route. Nous empruntons une piste forestière qui file droit vers le nord et nous mène jusqu’à l’étang de Stizaleix, pour prendre la direction de Saint-Yrieix-le-Déjalat et gagner le jardin du centaure. Nous arrivons dans un soleil rasant et une soirée déjà froide au milieu du jardin botanique de Dominique et Hendrikje : le jardin mythologique côtoie celui des signatures avec les plantes d’Hildegarde de Bingen ou encre celui des plantes abortives et des fleurs au pouvoirs érotiques ou contraceptifs. Nos discussions tournent très vite autour de la botanique et de son histoire, de sa logique coloniale comme de son imaginaire très machiste et occidentalo-centré. De plante en plante, Dominique nous fait faire des bonds dans la Grèce ancienne, l’époque de Linné, le Moyen-Âge, la période de la Colonisation, pour revenir à celle de l’ancien Testament et des Romains. Remise ainsi dans une histoire longue, l’histoire des plantes comme celle des liens entre humains et végétaux déroule sa complexité, ses lignes avortées, ses histoires possibles et étouffées : celle d’un Rousseau herboriste, initiant les femmes, à la botanique malgré l’interdiction ; celle d’une pensée de la métamorphose des plantes développée par Goethe finalement écrasée par l’approche classifiante des espèces ; celle du conflit entre herboriste et pharmacien qui trouve son aboutissement dans la suppression du diplôme d’herboriste le 11 septembre 1941 et la création d’un ordre des pharmaciens sous le gouvernement de Vichy, entérinant ainsi la création d’un monopole de la vente et du conseil autour des plantes. La soirée s’improvise, chaleureuse, gourmande de plantes et de légumes du jardin et nous rêvons à quatre têtes en regardant les cartes à l’itinéraire que nous ferons demain pour rejoindre Davignac et à celui qu’ils feront du côté de la Dordogne.

J9 : de Saint-Yrieix-le-Déjalat à Davignac

Le Jardin du Centaure

🌳 Avant de prendre la route pour une longue étape de 18km en direction de Davignac, nous visitons la ferme, sa forêt-jardin et ses plantes cultivées, accompagnées par Dominique. 🌾Entre les rangées de fenouil, de maïs, d’achillée millefeuille, de mélisse et la vaste serre où poussent les derniers basiliques de la saison, nous discutons passage, circulation et métissage des humains comme des plantes. 🌱C’est Dominique qui nous rappelle d’ailleurs que le châtaignier, emblème du Limousin avant le passage à la grande région, a été ramené d’Europe orientale par César lors de la conquête de la Gaule parce qu’il avait disparu de ces territoires avec les différentes glaciations pour trouver refuge dans l’actuelle Turquie. 🌳 Et que c’est suite à la conquête de la Gaule par les romains que la culture du châtaignier s’était véritablement développée et répandue. L’histoire humaine et celle des plantes s’entremêle dans une vaste toile, où il est – comme pour les humains – toujours question de voyage, de déplacement et de transformation. 🌰 Ainsi, le châtaignier présenté comme exotique en Gaule par Pline L’Ancien au Ier siècle après J.C. devenu depuis symbole d’une civilisation paysanne et de ses savoir-faire, engloutie par la suite par la civilisation du pétrole, mais résistant çà et là à mise au pas du paysage comme à sa muséification. 🌿 Nos échanges dérivent ensuite autour de celles que l’on nomme désormais les « EEE » (Espèce Exotique Envahissante) et des imaginaires de l’invasion qui structurent nos rapports avec le vivant, humain et non-humain. 🌱 Dans la lignée d’un Gilles Clément faisant l’éloge des vagabondes, Dominique pointe du doigt l’entourloupe linguistique qui consiste à faire passer la voyageuse pour la colonisatrice, la vagabonde pour l’envahissante, l’étrangère pour l’invasive, quand ces plantes ne sont présentes que du fait de l’action humaine et traduisent souvent, par leur multiplication, la destruction des lieux de vie.

Au milieu des plants de houblon et des tiges encore hautes de tournesols, voilà donc planté le décor du tribunal des bonnes et des mauvaises espèces, celles autorisées à passer la frontière de la nature authentifiée comme telle et celles renvoyées à la case envahissante, et donc à repousser. Est-ce un hasard si l’on retrouve les mêmes dispositifs de délation et de contrôle à propos des plantes et des humains ? Et que les déviant·e·s et inattendu·e·s seront signalés et, s’il le faut, éradiqué·e·s par la police de la normalité (naturelle ou civilisationnelle, c’est selon) ?

Quittant le jardin du Centaure pour attaquer tôt cette longue journée de marche, nous nous engageons dans les forêts et plantations qui bordent notre route. C’est dimanche. 🌿 Chacun·e vaque à ce qui l’occupe : pour certain·e·s, la chasse et nous croiserons beaucoup de 4×4 et de gilets orange au fil de cette journée ; pour d’autres la cueillette, car les cèpes & les giroles ne cessent de pointer leur nez depuis quelques jours. Longeant l’autoroute A89, qui barre le chemin aux animaux comme aux piétons, nous traversons d’anciens bois de chênes et de châtaigniers, quand – couvrant le vrombissement des bagnoles et des camions – se font entendre les cris des grues centrées qui dessinent dans le ciel un chemin invisible, celui de leur migration : elles annoncent par leur vol et leur chant les jours froids à venir. Je réentends les mots d’Hervé à propos de ces couloirs migratoires qui partent de l’Europe et de ces chemins « cartographiés de façon merveilleuse parce que c’est en-dessous d’eux que l’on trouve tous les hotspots de biodiversité de la planète. C’est une espèce de respiration du nord au sud en passant par des croisements, des points de rencontre particuliers. » 🌱 Et du lien qu’il faisait entre les déplacements humains et ces chemins d’oiseaux puisqu’il nous invitait aussi à « imaginer que nos ancêtres, quand ils sont partis d’Éthiopie et qu’ils voyaient des oiseaux partir à une saison et revenir en plus grand nombre après, devaient se dire : ‘’on va suivre les oiseaux’’. Homo Sapiens a probablement suivi ces lieux où passaient les oiseaux. »

À l’inverse des grues qui filent droit vers l’Espagne, le Maroc ou l’Algérie, nous voilà remontant vers le nord pour rejoindre Davignac et ses cabanes où Frédéric nous attend. C’est assez tard dans la soirée que nous finissons enfin par arriver aux cabanes, ces deux maisonnettes juchées à flanc de colline et surplombant les forêts environnantes. Plus qu’une cabane, un monde construit, élargit ici, avec patience, avec amour, avec détermination, les mains dans les palettes pour en faire un lit, dans le tonneau pour en faire un four, dans le chauffe-eau pour en faire en barbecue, dans la mangeoire pour en faire une lampe, les mains, encore et toujours elles. Enfin arrivées, nous réalisons à peine que demain nous toucherons déjà au 10e jour de cette marche-enquête et que nous serons rejointes par des habitant·e·s de Meymac : des élèves, étudiant·e·s et enseignant·e·s du lycée forestier.

J10 : de Davignac à Meymac 🍂

Le totem du lac de Seychemailles

Nous avons rendez-vous avec les élèves, étudiant·e·s et enseignant·e·s du lycée forestier pour les derniers kilomètres qui nous séparent encore de Meymac. Nous passons ainsi brutalement, après neuf jours d’arpentage et de rencontres intimes, à une troupe de presque 70 personnes.🚃 C’est un car qui vient livrer la fine équipe sur la place de la Mairie de Davignac, rappelant l’étrange sensation du moteur quand cela fait dix jours que nous traversons les paysages à pieds. Chaque marche se termine avec des habitant·e·s mais c’est la première fois que nous l’achevons avec un bataillon aussi fourni et désordonné. Au fil de la route, les échanges se nourrissent de rencontres réciproques pour tenter de comprendre ce qui conduit ici des jeunes de 18 ou 20 ans, les élèves en BTS venant de toute la France se former ici à la Gestion Forestière ou au Technico-commercial de la filière forêt-bois. Et ce qui conduit une musicienne et une autrice à marcher en Corrèze à la rencontre des habitant·e·s et des arbres.

En chemin, Alain, ancien enseignant en gestion forestière, nous signale des grandis, hauts déjà de plusieurs mètres, séchés sur pieds par les étés caniculaires et secs qui se sont succédés. « Son autre nom, c’est sapin de Vancouver, il est habitué au climat de la Colombie britannique, humide et tempéré, là ça lui va clairement pas. »🌲 Quand je lui demande si en quarante ans de vie forestière, il a eu l’impression de voir les perspectives et les pratiques changer, il me répond : « Oui, les miennes déjà, elles ont beaucoup changé. »Notre cortège provisoire, composés essentiellement de jeunes garçons, en baskets, rapidement mouillées par la boue et les chemins, zigzague dans les prés et les forêts. 🌳 Difficile de faire tenir d’un seul bloc un groupe de cette taille. Malgré tout notre drôle de chenille finit par rejoindre Besse où elle se complète de la classe des 2nd pro accompagnée par Élisabeth, qui a organisé l’escapade du groupe, et Laurence, formatrice en plantes sauvages comestibles.🌿

Dans les derniers kilomètres, nous parlons cuisine sauvage, camp forestier et de la connivence sensible avec laquelle se construit la vie dans la forêt.🌲 Meymac est déjà en vue : nous regagnons avec toute la troupe la colline sur laquelle est implantée le lycée, les toits en ardoise reflètent les dernières lueurs de cette ultime journée et la joyeuse colonne se retrouve autour de la fuste pour un dernier verre partagé.🥂 Alors que l’équipe se dissout dans le froid déjà tombé, Alain me signale que Les Enchevêtré·e·s doivent beaucoup aux chevêtres qui sont en charpente des pièces dans lesquelles on emboîte et on assemble les solives. Beaux auspices pour commencer cette résidence.

La marche par vocation aurait pour ambition de ne s’arrêter jamais, comme un rendez-vous suspendu dans le temps, dans un autre monde, où les pieds continueraient à marcher, où les vies continueraient ainsi à se déplacer simplement, au rythme des jambes qui vont, elle continuerait, se poursuivrait, se prolongerait. Sans doute même ne sommes-nous jamais complètement arrivées à Meymac, quand bien même cette ultime étape aura été partagée. Car quelque part, dans un coin de la forêt, nous continuons à marcher. Forêt, nous-mêmes, puisque c’est ainsi que nous nous sommes rêvé·e·s avec les habitant·e·s au cours de nos rencontres.

Me reviennent en mémoire ces lignes écrites par Jean-Baptiste Vidalou, dans Être Forêt, où se raconte le trouble qui saisit celui ou celle qui se laisse ainsi peupler par l’autre vie de la forêt : « Ce qu’il faut retenir ici, contre le regard universel du civilisé posé sur la sauvagerie, ce n’est pas l’image d’un extérieur absolu mais bien la part de porosité entre les mondes que promettent ces lieux que sont les forêts – et d’ailleurs les autres espaces limites, comme les montagnes, les landes, les marais, ou les rivages. Là on l’on ne sait plus qui du brigand, qui du paysan, qui de l’animal, qui de l’homme, qui de la sorcière, qui de la fée. Le danger pour l’ordre civilisé ne serait pas tant dans les zones d’ombre en tant que telles – il s’accomode assez bien de zones de relégation à ses périphéries – que l’élaboration subversive que permettent ces zones et la façon dont ceux qui y vivent en tirent parti. Car la forêt, précisément n’est pas un espace situé dans un « ailleurs » improbable du monde, mais bien un rapport singulier qui surgit au cœur du monde, entre les êtres, entre les règnes. »

La carte de l’air & du sol

Seconde carte d’une série de quatre, la Carte de l’air & du sol (du ciel & de la terre) s’est constituée au fil des rencontres lors la marche-enquête jusqu’à Peyrelevade en juin 2021. D’abord dispersée par Saul Pandelakis sous forme de fresques dans différents lieux de vie du village (café , EHPAD, boucherie, épicerie) lors de la résidence de création des Enchevêtré·e·s à Peyrelevade en juillet 2021, elle prend maintenant forme en plusieurs volets d’impression riso. Fragments de discussion, d’entretien ou d’atelier avec des habitante·s, s’y retrouvent pour composer ce kaléidoscope des complicités et connivences que nous entretenons avec l’air comme avec le sol, ici, sur le plateau de Millevaches et plus globalement en faisant le chemin qui mène de Brive-la-Gaillarde à la Montagne limousine.

Réalisée sur plusieurs grandes surfaces vitrées, dispersées dans le centre ou sur le site du banquet final, la fresque trouve un écho à une autre échelle dans la carte, imprimée en riso chez Pépite collectif.

Si vous voulez recevoir la carte du sol & de l’air, seconde carte de la marche-enquête reliant Brive-la-Gaillarde à Peyrelevade, n’hésitez pas à écrire à Jérôme Farges de l’Empreinte (jerome.farges@sn-lempreinte.fr) ; pour les fresques, elles sont encore visibles sur place : n’hésitez pas à aller vous promener à Peyrelevade, vous les trouverez sur les vitres !

Recto de la Carte #2 sur le sol & l’air – Illustration Saul Pandelakis
Verso de la Carte #2 sur le sol & l’air – Illustration Saul Pandelakis