En 80 jours

Étant enfant, j’habitais dans un quartier relié au reste de la ville par un raccourci qui s’intitulait le « chemin de la porte inutile ». Ce n’est que plus tard que j’ai su que cette porte avait été appelée ainsi car à la place du chemin que nous empruntions pour rejoindre le centre-ville se trouvait autrefois un ruisseau. Cette « porte inutile » donnait sur la mémoire, sur l’empreinte d’un ruisseau, qui avait disparu. Avec Les Enchevêtré·e·s, je souhaite aller à la rencontre de ces mémoires inutiles, de ces ruisseaux engloutis, de ce qui ne se voit pas du paysage et qui est pourtant le paysage, de celles et ceux qui l’habitent tout autant qu’ils le font.

En proposant de me faire marcheuse et enquêtrice, je veux, en effet, poursuivre mon exploration d’un théâtre de l’anthropocène. En collaboration avec Saul Pandelakis – designer et dessinateur – et Sarah Métais-Chastanier – musicienne et compositrice –, je souhaite élaborer un récit plastique et musical des paysages de la Corrèze. À travers la marche et la rencontre avec les habitant·e·s, ce projet vise à proposer une cartographie documentaire, graphique et sonore de la Corrèze, envisagée comme territoire de vie, d’imaginaires et de récits.

Publié en 1872, Le Tour du monde en 80 jours de Jules Verne dit bien le rêve chevillé à l’époque moderne : celui de la vitesse, celui des mobilités rapides, celui du progrès technique. En 2021, le rêve est devenu tout autre : celui de trouver comment décélérer, comment ralentir. C’est donc en 80 jours d’enquête, lente et obstinée, que nous nous proposons de faire non pas un « tour » de la Corrèze, mais bien plutôt une plongée ou une empreinte, manière de dire que le ralentissement, l’attention, le lien et le détail sont sans doute les valeurs cardinales du roman que tente d’écrire notre tout jeune siècle, aux côtés de l’invention d’une hospitalité élargie.

Ces 80 jours se décomposeront en quatre marches, une à chaque saison, dont le premier jour sera partagé avec celles et ceux qui le souhaitent, et quatre résidences. Nourrie par la rencontre avec différents acteurs du territoire chaque enquête-marche-résidence sera pensée en lien avec un enjeu propre au paysage corrézien : l’eau et l’hydro-électricité (Neuvic), l’énergie du sol et de l’éolien (Peyrelevade), celui de la forêt et de la sylviculture (Meymac), et enfin de la production agroalimentaire avec les Pommeraies (Voutezac). Les Enchevêtré·e·s se dessinera au fil des marches et des territoires explorés, au fil des récits, compositions, dessins et scénographies ainsi constitués.

(Photo : Ferme de Raulhac à Neuvic, © Barbara Métais-Chastanier)

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